Le bouddhisme et les jeux d'argent

L'argent est le symbole de notre civilisation depuis plusieurs siècles. 

L'idée aujourd'hui est d'en avoir toujours plus, de ne pas en manquer. Les jeux ont de tout temps permis les paris et alors que les toutes premières pièces de monnaie ont été frappées par des prêtres du Moyen-Age, aujourd'hui la plupart des religions interdisent la pratique des jeux d'argent. Toutes, sauf peut-être le Bouddhisme.

Que disent les écritures bouddhiques ?

Le Bouddhisme est la 4è religion la plus importante de la planète, et probablement la plus tolérante, même si sa pratique est parfois difficile.
Anciennement, les textes bouddhiques interdisaient les jeux "qui détournent l'esprit de l'essentiel".

La plupart des préceptes bouddhiques sont basés sur l'Octuple Noble Sentier dans lequel on retrouve notamment :

  • tenue correcte
  • vie digne
  • effort approprié
  • bonne conscience.

Ces quatre règles indiquent déjà une piste sur la volonté de ne pas "punir" le jeu, comme enseigné chez les bouddhistes. En effet, si l'on suit ces préceptes, on ne commet aucune faute, même si l'on joue.

Dans les écritures bouddhistes, il est écrit que le jeu de hasard distrait l'esprit. De ce fait, dans les jeux d'argent, ce n'est pas tant le symbole de l'argent en lui-même qui dérange, c'est juste la source de distraction comme le sport que le jeu comporte, et surtout, qui l'empêche de se détacher du monde matériel.

Dans le Tripitaka, une liste de 16 jeux indique ceux auxquels Bouddha auraient refusé de jouer, parmi les plus connus : la marelle, les jeux de plateaux, les dés, les jeux de ballon. C'est parce que Bouddha n'a pas voulu jouer que ces disciples doivent donc l'imiter.

L'argent, un symbole philosophique ou un outil social ?

Donc, la religion bouddhiste n'interdit pas à 100 % la pratique du jeu d'argent ou de hasard. Toutefois, et à l'inverse des autres religions, on ne peut pas jouer pour collecter des fonds à des fins religieuses (impossible donc d'organiser un loto pour reverser les fonds à un monastère, par exemple).

Dans notre civilisation, toute notre vie se focalise sur l'argent : par besoin, nécessité, envie et pour certains, dépendance. En vouloir toujours plus pour ne pas en manquer, ce qui n'arrive jamais, est donc devenu extrêmement courant et la folie des jeux en ligne y contribue fortement.

Nous ne sommes pas loin de l'idée que s'en faisait Shakespeare en appelant l'argent, le "Dieu invisible", ou de Luther, qui en parle comme du "Dieu de ce monde".

Pourtant, le chemin du bouddhisme nous pousse à lâcher prise, alors comment envisager de pouvoir jouer à des jeux d'argent dans une telle religion ?

C'est simple : l'argent n'est pas le "mal", c'est notre envie d'en avoir toujours plus qui est immonde. L'argent n'est qu'un outil qui nous permet d'accéder à plus de liberté, plus de puissance dans la société.

Lorsqu'on sait s'en détacher, ou lorsqu'on sait quoi en faire, ce n'est plus un péché. Encore moins, si on l'utilise pour soulager la souffrance.

Jouer, une faute "légère"

Ainsi, le bouddhisme précise que le jeu en général est considéré comme une faute "légère. La valeur morale du jeu s'estime ainsi selon deux niveaux : 

  • La moralité en général : on s'appuie sur l'honnêteté, on évite de faire des fautes majeures.
  • La moralité dite "d'engagement" : ici, le disciple choisit son vœu, par exemple un moine qui fait vœu de silence, et on le respecte.

Le "Sutra du filet de Brahma", utilisé par les moines lors des cérémonies d'ordination, comporte 58 préceptes. Seuls les 10 premiers, s'ils ne sont pas appliqués, constituent une faute "grave". Pour les autres, il ne s'agira que d'une faute "légère", dont le 33è : "Règles concernant le plaisir éprouvé à regarder des actes mauvais".

Ce précepte liste toute une série de jeux qu'il convient d'éviter. Il insiste notamment sur la responsabilisation de la personne. En d'autres termes, plus on est conscient de son acte (le fait de jouer), moins la faute est grave !

Si le disciple est "engagé" dans le voeu de ne pas jouer, alors il ne doit pas jouer, autrement, rien n'indique que jouer sera un péché grave.

Et si le jeu était un art bouddhiste ?

Dans un autre texte bouddhique, le Sutralamkara, il est écrit que Bouddha connaissait les 64 "arts". Ces arts, aussi classiques que la lecture, la musique ou la danse, sont listés précisément. 

Ce qui est remarquable c'est que dans cette liste figurent les jeux de dés et les jeux d'échecs, élevés au rang d'art noble. Il existe également le jeu de la bouddhéité" : le double six, très connu et réputé.

Cela soulève un point majeur : un jeu qui élève la concentration et l'esprit peut être un art, donc ne plus être considéré comme un péché. 

La concentration serait-elle l'excuse majeure donnant droit au jeu ? "Le loisir dans la maîtrise de soi"...Pour résumer, le jeu et le divertissement en général, se doivent donc : 

  • de ne pas aller contre ses vœux d'engagement,
  • susciter sincérité et honnêteté,
  • engager la concentration.

L'argent, s'il est une fin en soi d'un jeu quelconque, n'est pas une limite. Seul l'esprit importe pour suivre les préceptes de Bouddha.
"De l’avidité vient le chagrin, de l’avidité vient la crainte. ~ Bouddha (Dhammapada Sutta)"

Last modified: 8 April 2021